Les robots aspirateurs, les tasers des forces de l’ordre ou encore Skype: tout cela, Henry De Gorsse l’avait imaginé il y a un siècle!
Vous vous êtes peut-être déjà demandé comment on imaginait le futur -et en l’occurrence le monde d’aujourd’hui- il y a un siècle? “En l’an 2020 ou la merveilleuse aventure de Benjamin Pirouette” nous donne de précieuses indications à ce sujet. Cette pièce en trois actes imaginée par Henry De Gorsse a été jouée pour la première fois au Théâtre du Châtelet à Paris le 10 décembre 1920.
Le HuffPost s’est replongé dans le manuscrit de ce texte inédit et nous avons eu quelques surprises. Avant de dévoiler ces étonnantes prophéties, il convient de revenir brièvement sur le synopsis de cette pièce de théâtre.
Une recette miracle pour ralentir le vieillissement
En 1920, le Docteur Fox trouve le moyen de liquéfier l’air et ainsi conserver vivants pendant un nombre indéfini d’années tous les êtres que l’on plonge dans cette préparation extraordinaire. Après avoir mené des tests sur des animaux de tout poil, il cherche un cobaye humain mais ses annonces dans la presse demeurent sans réponse… jusqu’au jour où un certain Benjamin Pirouette tombe dessus. Cet employé de ministère veut en finir car il ne supporte plus sa femme qui lui mène la vie dure. Il décide de répondre à l’annonce du journal et se fait injecter le sérum “X.B.T. 43”, dont la propriété est de ralentir le fonctionnement du cœur.
En plus d’empocher un joli pactole de 100.000 francs, Pirouette gagne une sieste d’un siècle et se réveille donc en 2020 au Muséum d’histoire de Paris. La suite est tout aussi passionnante qu’intrigante.
Les tasers de la police prophétisés 52 ans avant leur création
À peine sorti de la cuve dans laquelle il était conservé, Benjamin Pirouette fait face à des policiers d’un nouveau genre. Ces derniers repoussent la foule venue observer le spectacle à l’aide de ce qui resseble beaucoup aux pistolets à impulsion électrique de type Taser. “Les agents font usage de leurs bâtons d’étincelles électriques qui fait hurler et danser ceux qui s’avancent trop”, peut-on lire dans le manuscrit d’Henry de Gorsse. L’auteur, qui est également un ami d’Edmond Rostand, avait vu juste. Il avait pressenti l’arrivée de cette arme 52 ans avant son invention par l’Américain Jack Cover en 1972.
L’émancipation de la femme
Dès ses premiers pas dans le Paris de 2020, le personnage principal fait la rencontre de Mme Leverdier qui -permettez nous de spoiler- deviendra sa nouvelle compagne. D’ailleurs, en 2020 ce ne sont plus les hommes qui demandent la main de leur épouse… mais l’inverse!
Henry De Gorsse pressentait l’émancipation de la femme et multiplie les références à ce sujet dans son œuvre. Ainsi, Madame Leverdier n’est absolument pas femme au foyer: elle est à la fois banquière, avocate, ingénieure, médecin et députée, tout en même temps! “Messieurs, il était bien juste qu’après vingt siècles d’asservissement et d’inutilité, la femme eût, au XXIe siècle la place qui lui est due!”, lâche-t-elle dans une réplique.
L’ancêtre de Skype et la conquête de Mars
Lorsque Mme Leverdier cherche à séduire Benjamin Pirouette, elle le fait par téléphone équipé d’une caméra. Qui aurait imaginé que l’on prophétise Skype… en 1920? Une situation qui désempare Benjamin Pirouette dans la pièce de théâtre. Et il n’est pas au bout de ses peines.
Si vous avez la flemme de faire le ménage/pas le temps/*insérez ici une excuse* vous avez sans doute déjà envisagé la possibilité d’acheter un robot aspirateur, comme les fameux Roomba. Un appareil que possède justement Madame Leverdier dans notre fameuse pièce de théâtre. “Qu’est-ce que c’est ça? Un tank?”, se demande Benjamin Pirouette, dont la naïveté prête à sourire.
En 2020, la consommation de viande a disparu car la nourriture a été entièrement remplacée par des pilules. “Des pilules d’ozone… d’hydrate de carbone… de phosphore: six d’entre elles suffisent à la nourriture quotidienne d’un adulte”, explique-t-on à Benjamin Pirouette qui ne cache pas sa déception: “Plus d’entrecôtes… Plus de boudin… Plus de frites… Plus rien quoi!” Il finira par vider une boite de pilules dans sa bouche, “l’équivalent d’un bœuf entier”. Un excès de gourmandise qui lui vaudra une belle frayeur et… un lavage d’estomac.
Les mariages “déshumanisés” et la disparition des dentistes
Lorsque Mme Leverdier cherche à séduire Benjamin Pirouette, elle le fait par téléphone équipé d’une caméra. Qui aurait imaginé que l’on prophétise Skype… en 1920? Une situation qui désempare Benjamin Pirouette dans la pièce de théâtre. Et il n’est pas au bout de ses peines.
En 2020, les trottoirs de la capitale sont métamorphosés. Terminé le bitume, l’heure est désormais aux “chemins roulants”, des sortes de tapis mécaniques qui permettent aux piétons de se déplacer rapidement. Et si Henry De Gorsse avait été un peu trop optimiste quant à leur développement dans tout Paris, ces “escalators plats” existent bien dans les aéroports ou encore dans la station de Châtelet les Halles.
Pour rester dans le domaine des technologies, l’auteur de la pièce voyait juste concernant la conquête spatiale et notamment le projet d’envoyer un homme sur Mars. Dans “En l’an 2020”, le lancement d’une “fusée obus” vire au fiasco et l’homme doit se résoudre à vivre sur Terre dans l’attente d’un projet plus abouti.
Des vegans et des robots aspirateurs
Si vous avez la flemme de faire le ménage/pas le temps/*insérez ici une excuse* vous avez sans doute déjà envisagé la possibilité d’acheter un robot aspirateur, comme les fameux Roomba. Un appareil que possède justement Madame Leverdier dans notre fameuse pièce de théâtre. “Qu’est-ce que c’est ça? Un tank?”, se demande Benjamin Pirouette, dont la naïveté prête à sourire.
En 2020, la consommation de viande a disparu car la nourriture a été entièrement remplacée par des pilules. “Des pilules d’ozone… d’hydrate de carbone… de phosphore: six d’entre elles suffisent à la nourriture quotidienne d’un adulte”, explique-t-on à Benjamin Pirouette qui ne cache pas sa déception: “Plus d’entrecôtes… Plus de boudin… Plus de frites… Plus rien quoi!” Il finira par vider une boite de pilules dans sa bouche, “l’équivalent d’un bœuf entier”. Un excès de gourmandise qui lui vaudra une belle frayeur et… un lavage d’estomac.
Les mariages “déshumanisés” et la disparition des dentistes
Si Henry De Gorsse a multiplié les prophéties justes, il s’est en revanche trompé sur certains points. L’auteur imaginait que l’acte de mariage deviendrait totalement déshumanisé au point de voir disparaître le maire (ou son adjoint) au profit d’un phonographe qui enregistrerait la voix des mariés et stockerait leurs engagements sur un CD. Heureusement, nous n’en sommes (pas encore) là!
Tout comme les maires, les dentistes eux aussi n’ont pas disparu (et c’est tant mieux). Dans “En l’an 2020”, ces derniers sont remplacés par des robots appelés des “odontoclastes”. À l’aide de deux bras mécaniques, ils ceinturent le patient, tout en lui arrachant la dent préalablement sélectionnée sur un écran.
Un aller-retour au Brésil en trois heures
Comme de nombreux auteurs, Henry de Gorsse prophétisait lui aussi l’arrivée de la voiture volante pour le XXIe siècle… à tort. Dans sa pièce de théâtre, les aéronefs volent dans les airs et permettent même de faire un aller-retour au Brésil en trois heures (le rêve).
Interpellé par Benjamin Pirouette sur ces étonnantes évolutions, un chauffeur de taxi tient cette phrase qui a une résonance particulière à l’heure de la difficile cohabitation entre vélos, voitures, trottinettes et piétons: “toute la locomotion de Paris se fait à travers l’espace! Sans ça il y a beau temps que tous les piétons seraient écrabouillés.”
Enfin, Henry De Gorsse semblait persuadé qu’en l’an 2020 la peine de mort serait encore en vigueur en France. Son personnage principal risque la peine capitale, alors qu’il est accusé de bigamie après un malheureux concours de circonstances (sa femme de 1920 débarque elle aussi en 2020). Heureusement depuis, Robert Badinter est passé par là…
En 1920, cette pièce de théâtre séduit la critique qui y voit une belle allégorie du progrès. “Allez voir au Châtelet les maisons à vingt étages, les trottoirs roulants, les aéronefs et la machinerie compliquée qui a remplacé la main-d’œuvre humaine,” écrit en décembre 1920 le journal “Excelsior”.
“Comme il serait aisé d’y faire tenir, avec la critique du temps présent et de tous les temps passés, une forte synthèse des plus hautes conceptions humaines!” commente de son côté “Comœdia”, tout en nous offrant une illustration (ci-dessous) de ce à quoi pourrait ressembler 2020.
Pour ceux qui souhaiteraient en savoir davantage sur ce texte, inutile de le chercher en ligne ou de le demander à votre libraire. Le précieux manuscrit n’est disponible qu’en consultation à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP). Vous aurez l’opportunité le temps de quelques heures de parcourir un livre unique.