Claude Seban est la principale traductrice de Joyce Carol Oates : un emploi à temps plein depuis vingt-trois ans, dont le dernier travail, « Un livre de martyrs américains », paraît.
Propos recueillis par Florence Noiville Publié le 07 septembre 2019
Depuis plus de vingt ans, Claude Seban traduit en français l’œuvre de Joyce Carol Oates. Quasi quotidiennement, entre cinq et huit heures par jour, elle s’immerge dans son monde, ses mots, ses intrigues. Elle a déjà traduit une quarantaine d’ouvrages de « JCO ». Rencontre avec une traductrice entièrement et exclusivement dévouée à une écrivaine.
Comment votre rencontre avec l’œuvre d’Oates s’est-elle faite ?
Grace à Christiane Besse, directrice de collection et traductrice, une femme admirable qui a l’art de vous amener à donner le meilleur de vous-même. C’est à son arrivée chez Stock [son éditeur de l’époque] que je dois d’avoir traduit mon premier livre d’Oates. C’était il y a vingt-trois ans et je n’imaginais pas, à l’époque, que cela se transformerait tout de suite en un « full time job » !
Vous faites allusion à la productivité stupéfiante de Joyce Carol Oates…
Oui, au début, à chaque fois que je voulais faire une traduction d’un autre auteur, Christiane Besse me disait : « Non, non, tu n’as pas le temps ! » De fait, Joyce Carol Oates est si prolifique que, depuis 2015, nous sommes deux à la traduire. Christine Auché se charge des nouvelles, et moi des romans.
Quel est le premier livre d’elle que vous ayez traduit ?
Corky [Stock, 1996]. C’est d’ailleurs le livre grâce auquel je l’ai découverte, car je ne la connaissais pas auparavant. J’ai tout de suite été séduite par ce personnage magnifique de Corky – ses rapports avec les femmes, avec la politique locale. C’est un homme qui joue au dur et qu’on aime pour ses failles. L’écriture aussi m’a impressionnée : ramassée, rythmée, efficace. Oates ne cherche pas à faire de « belles phrases » mais chaque personnage a sa voix propre.
Quels défis cette écriture représente-t-elle pour une traductrice ?
Le rythme haletant, les difficultés du texte, tout cela m’attirait – m’attire toujours. Les difficultés sont à la fois le moteur et l’angoisse du traducteur : elles le stimulent, et elles l’angoissent parce qu’il se demande s’il rend justice à l’auteur, s’il n’est pas un imposteur.