Les enjeux de la traduction scientifique sont devenus cruciaux au fil des avancées multiples et rapides de ce très vaste secteur scientifique en mutation permanente.
L’apparition de nouveaux domaines scientifiques, comme la génétique, la biologie moléculaire, les biotechnologies, par exemple, comme les progrès exponentiels des sciences plus anciennes, a démultiplié les besoins de traduction. Le travail des traducteurs scientifiques s’est en même temps complexifié. Ils se doivent d’être à la fois encore plus compétents en science, mais aussi avoir des qualités linguistiques assez exceptionnelles. Zoom sur ce secteur de la traduction scientifique très méconnu.
Chimie, physique, écologie, environnement, mathématiques, ingénierie, biologie, nucléaire, médecine, pharmaceutique, métrologie, électrotechnique, génétique, biotechnologies… la science recouvre de multiples domaines de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Le monde scientifique a toujours été largement internationalisé, mais avec le développement des technologies et des connaissances, la science n’a cessé de se développer et est devenue de plus en plus pointue. On peut dire que tous les pays aujourd’hui font de la recherche scientifique et que, de plus en plus, les recherches scientifiques se font dans le cadre de collaborations entre des pays. Il est donc essentiel d’avoir une langue commune, aujourd’hui l’anglais, mais également de traduire toutes les données essentielles.
La traduction scientifique est aussi économiquement capitale pour les acteurs du domaine, comme les chercheurs et les laboratoires de recherche, afin de se faire connaître partout autour du globe, de partager leurs découvertes et leurs essais, et ainsi les « vendre » au mieux pour un développement à grande échelle. C’est particulièrement le cas dans les domaines pharmaceutiqueet médical pour la mise sur le marché d’un médicament. Pourtant primordial, l’univers de la traduction scientifique est totalement méconnu par le grand public, c’est un « secteur de niche », mais ô combien essentiel pour la diffusion de la science.
Un métier de haute volée
Le métier de traducteur scientifique est un métier de très haut niveau pour lequel il est nécessaire d’acquérir une formation initiale poussée, tant en sciences qu’en langues étrangères, mais aussi bien sûr pour lequel il faut maîtriser parfaitement sa langue maternelle. Selon Isabelle Bouchet, traductrice scientifique depuis 18 ans, il faut également continuer à se former tout au long de sa carrière pour être dans une démarche d’amélioration continue dans ces domaines particulièrement pointus. « Il est nécessaire de constamment se perfectionner dans les sciences, les outils et les méthodes utilisés, les bonnes pratiques. Chaque type de document a ses codes, ses méthodes, des façons de faire, ses contraintes. L’évolution rapide des domaines scientifiques nous oblige également à nous mettre au niveau tout le temps. » D’autant que de nouveaux mots et nouvelles données peuvent apparaître au fur et à mesure de l’évolution de la science, comme l’explique une spécialiste du domaine, Marilène Haroux Stanley. « C’est le cas tout particulièrement dans le contexte des dépôts de brevets d’invention. En général, le dossier du brevet est traduit en plusieurs langues, et comme il s’agit d’inventions ou d’avancées dans un domaine donné, les traducteurs sont amenés à créer de nouveaux mots s’il n’y a pas de documentation scientifique publiée et disponible sur l’invention en question qui atteste qu’un mot existe déjà pour désigner l’invention. Les traducteurs peuvent s’appuyer sur des conventions et habitudes linguistiques déjà établies dans un domaine donné. »
L’exemple de la traduction en biotechnologie…
Chez GlobalVoices, la traduction en biotechnologie va de pair avec l’internationalisation du monde de la science. « Étant donné l’internationalisation de la médecine et des biotechniques, le nombre d’essais cliniques menés par les entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques est en hausse, et de nouveaux médicaments sont produits dans un nombre de pays plus élevé que jamais auparavant. Le besoin d’évoquer ces découvertes avec des professionnels de la santé à travers le monde a considérablement augmenté, ce qui nécessite des traductions précises dans le domaine afin que ce dernier progresse avec rapidité et efficacité. » Dans ce domaine des biotechnologiesen plein essor, un besoin important bien spécifique de traductions – donc de formations dédiées des traducteurs – s’est démultiplié. « Les traducteurs et interprètes doivent se tenir à jour sur les travaux et projets de recherches dans les biotechnologies, ce qui passe par la lecture des revues et sites Internet spécialisés, par des formations de mise à niveau en traduction dans ce domaine, par le biais de cours spécialisés ou de congrès et conférences sur la traduction, et par l’enrichissement en continu d’un glossaire terminologique », complète Marilène Haroux Stanley.
Sur quels documents travaillent les traducteurs scientifiques ?
Tous les types de documents existent : thèses de doctorat en médecine, publications scientifiques, rapports d’analyses, protocoles, fiches produits, brevets d’invention, ouvrages scientifiques, sites Internet, documentation relative aux essais cliniques, notices de médicaments protocoles, rapports de recherches en laboratoire, conférences… Les traductions nécessitent d’aborder aussi d’autres domaines connexes très techniques, comme le juridique, le marketing, le commercial… Les combinaisons de langues sont aussi innombrables, même si certaines sont plus demandées que d’autres, l’anglais, le mandarin, le français, l’espagnol, l’allemand. Et la plupart des traducteurs scientifiques traduisent d’une langue étrangère vers leur langue natale. Car, comme le dit la traductrice scientifique Isabelle Bouchet, « une bonne traduction scientifique va bien au-delà de la simple traduction. Il faut être baigné dans une langue, dans la culture du pays pour traduire au plus juste ».
Quelles sont les qualités d’un bon traducteur scientifique ?
La traduction scientifique nécessite de multiples qualités tant en matière de connaissances scientifiques et linguistiques que personnelles. Il est nécessaire ainsi d’acquérir une méthodologie et des outils de recherche et de documentation, et connaître la terminologie et le langage des experts du domaine. Il existe également des méthodes spécifiques à la traduction scientifique. Mais pas seulement. « Cela demande une grande culture générale, beaucoup de rigueur, de curiosité, être capable de trouver des informations très pointues, mais aussi de la flexibilité et de l’adaptabilité. Et être une bonne plume ! » précise Isabelle Bouchet. Car effectivement, pour aborder une traduction scientifique, le traducteur doit réaliser de nombreuses recherches documentaires « sources », analyser la terminologie, la phraséologie sur le domaine en question. « Parfois même, nous devons effectuer un glossaire pour repérer les termes techniques et définir les thèmes importants en amont », complète la traductrice.
Des formations d’excellence
Isabelle Bouchet a suivi un bac scientifique, un cursus LEA (anglais, portugais, espagnol), complétés par des modules scientifiques, puis un DESS, un équivalent Master aujourd’hui, de traduction et documentation techniques et scientifiques à l’université de Pau. « Il ne faut pas confondre “locuteur” et “rédacteur”, le métier de traducteur scientifique est un métier à part entière qui nécessite de nombreuses années d’études. Tout le monde sait que parler une langue, même sa langue maternelle, et rédiger un texte dans cette même langue sont deux exercices totalement différents. Attention donc ! Ce n’est pas parce que l’on parle une langue que l’on sera un bon traducteur dans cette langue ! »
Pour devenir traducteur scientifique, il faut donc avoir une appétence et des dons particuliers en sciences comme en langues. Il existe ainsi deux chemins pour arriver à ce métier. Certains commencent leur cursus de formation par les langues et se spécialisent ensuite en sciences. D’autres sont des scientifiques se formant en langues. Pour Isabelle Bouchet, il n’existe pas de voie idéale ou moins complexe, cela dépend avant tout des affinités de base du futur traducteur. En tout cas, la véritable spécialisation de la formation se réalise après un cursus en langues ou en sciences à l’occasion d’un master dédié. Le master en traductions scientifiques et techniques (TST) est un master professionnel et de recherche du niveau Bac+5 qui s’effectue en général en formation trilingue dans quelques universités comme Pau, Littoral Côte d’Opale à Boulogne-sur-Mer, de Haute-Alsace à Mulhouse. Ce master permet d’acquérir une culture scientifique et technique (produits, systèmes, familles de produits, principes de fabrication, utilisation, explication scientifique, fonctionnement) propre au traducteur scientifique, de sa terminologie des langues étrangères étudiées, une méthodologie traductologique des langues étudiées et des connaissances interculturelles, et bien sûr, des compétences sur les outils informatiquesnécessaires.
À noter : pour ces masters, il faut généralement maîtriser deux langues étrangères au même niveau.