L’Institut de traduction de Tunis continue inlassablement son labeur et s’applique à améliorer ses performances en rationalisant sa méthodologie de travail, en ciblant ses efforts selon des objectifs raisonnés et en cherchant à doter l’établissement d’un impact international à la mesure des ambitions qui lui sont liées.
Ainsi, après un colloque international en septembre sur la traduction des concepts artistiques, à l’occasion de la Journée Mondiale de la Traduction – une date que l’Itrat a décidé, depuis 2017, de fêter annuellement comme plusieurs pays –, et après la conclusion d’un accord avec l’Encyclopédie Universalis pour la traduction arabe de deux de ses dictionnaires (Dictionnaire des idées et Dictionnaire des notions) et la mise en marche du chantier, voici que cet établissement dynamique aligne une série d’activités ponctuelles pour cette fin de l’année en cours, en attendant le programme de 2019. La première de ces activités a consisté en une journée d’étude, le vendredi 7 décembre, sur « les stratégies de la traduction », prenant appui sur une brillante conférence en la matière intitulée « La Traduction entre stratégies de domination et l’impératif du dialogue avec l’Autre » et donnée par l’universitaire, écrivain et traducteur Mohamed Aït Mihoub. Le débat qui a suivi a été animé par l’universitaire et homme des médias, Abdelhalim Messaoudi.
La bibliothèque de l’Itrat a ainsi réuni plus d’une vingtaine de personnalités de la spécialité qui ont multiplié les questions et approfondi la pensée sur la traduction et ses stratégies, soulignant le besoin et la nécessité de multiplier, dans notre pays, les rencontres de cette nature pour mieux inscrire la pratique traductive dans le rôle fondateur qui est le sien, en tant qu’adjuvant de l’évolution civilisationnelle.
Le conférencier, M. Aït Mihoub, a analysé les deux perspectives dans lesquelles la traduction lui semble s’inscrire, celle de connotation belliqueuse dont la visée, explicite ou implicite, est la domination de l’autre, et celle de cheminement interactif dont l’ambition cible l’échange, l’ouverture et l’enrichissement mutuel en matière de conscience civilisationnelle, dans toutes ses configurations : intellectuelle, linguistique, sociale, économique, etc.
La conversation a permis d’élargir le champ de la réflexion et de l’interrogation. On a ainsi soulevé la question du rapport entre la traduction et la création, étroitement lié par ailleurs à celui de la fidélité et de la trahison dans l’exercice de traduction. De ce point de vue, il devenait inévitable de ne pas actualiser le problème de la traduction, dans la langue nationale, des écrivains nationaux produisant leurs textes de création dans des langues étrangères, notamment dans la langue française.
On s’est demandé également si la traduction n’était pas un exercice de bonne stratégie dans la pédagogie des langues, à tous les niveaux de l’enseignement depuis le secondaire, rappelant alors le propos qui dit que la traduction et la poésie sont les meilleurs exercices de la pratique linguistique. Là se pose la question des stratégies institutionnelles de la spécialité, comme l’Itrat ou Beït Al-Hikma, autour des préoccupations fondamentales concrétisées par les principaux soucis que sont : Que traduire ? Qui traduit ? Pour quoi traduire ?
Non moins important est le volet du débat ayant porté sur l’attitude à prendre, à l’égard de l’Autre, dans l’action traductrice. Entre l’attraction et la répulsion, l’antipathie et la sympathie (aux sens étymologiques), il y a inévitablement cette zone mixte où se situe la traduction comme une synthèse des attitudes contradictoires et comme un espoir du vivre-ensemble dans un monde meilleur.
Mansour M’henni