#TraduisCommeNetflix ou l’éloge de la traduction

L’ #TraduisCommeNetflix se répand, comme une traînée de poudre agacée.

L’ #TraduisCommeNetflix se répand, comme une traînée de poudre agacée. C’est L’ATAA (l’association des traducteurs et adaptateurs de l’audiovisuel) qui se plaint du travail bâclé de Netflix, notamment sur le film Roma d’Alfonso Cuaron (voir leur article : https://beta.ataa.fr/blog/article/le-sous-titrage-francais-de-roma)

Que celui qui n’a pas regardé en urgence le dernier épisode de sa série préférée, pourtant super mal sous-titré, jette la première pierre de la saison 1 (P01S01). Et pourtant, une fois l’épisode vu et l’esprit repu (jusqu’au prochain épisode), cela pince toujours le cœur d’un professeur de français de voir des sous-titres qui comportent des erreurs sur des homophones (a/à, ce/se…), sur des confusions infinitif/imparfait/participe passé, des fautes d’accord (comme dans Roma, voir l’article de l’ATAA, “« Cleo nous a sauvé » (3 fois !)”) ou carrément des erreurs de traductions (I’m hungry -> je suis hongrois ?)

C’est l’occasion d’une ode aux traducteurs, sans qui ceux qui vouent un culte au vost ne seraient pas tout à fait les mêmes.

Le traductor passe à  travers l’huis clos d’une langue. Il est discret. Il peut s’appeler, au hasard des lectures : Deodat Serval, Régis Boyer, Anne Colin du Terrail, Maurice-Edgard Coindreau, Philippe Bouquet, Marc de Gouvenain, Lena Grumbach, Josée Kamoun, Sophie Aslanides, Michel Volkovitch ou Juliette Bouchery.

Le traductor est incognito. Sa couverture, c’est l’auteur (sauf si le traducteur se nomme Baudelaire, Giono, Mallarmé, Maspero ou Triolet). 
Il interprête sa plume pour l’amour des mots. Il faut lui rendre justice (pas l’y traduire) : celui qui trad8 fait du neuf (et il a du boulot quand il s’agit de La Disparition et qu’il y a Perec en la demeure). Avec le traductor les langues ne sont pas pendues mais liées, reliées : d’une langue à une autre, à sa table de travail, dans une sorte de ping-tongue.

Le traductor a besoin des mots, des mots tout prêts, précis, précieux : ce qui est traduit n’est pas gratuit, mais gratté des heures durant pour atteindre la substantifique moelle de l’écrivain. Il faut qu’il lisse, c’est là qu’est l’os.

Le traductor baise ses mots. Il recherche la traduction fluide, sans traces d’adduction. Il n’enlaidit pas, mais flagrant délie un texte de sa langue d’origine dans un remarquable tour de passe-passe. C’est un agitateur de prestige qui, sans qu’on s’en aperçoit, sort une langue de ses langes.

Le traductor ne tourne pas la page, il la tourne dans une autre langue. Grâce à sa plume la page franchit des frontières. La traductrice et le traducteur savent où ils vont : ils ont le permis de traduire, de voir grand. Une traduction n’est pas une réduction, au contraire c’est une extension du domaine de lecture d’un livre. Grâce à lui, un livre se fait exemplaires, des millions d’exemplaires.

Pour traduire, il faut se mettre en transe. Pour lutter contre la page blanche, il faut avoir recours à des feuilles de laurier bien mâchées. Du lost in translation. Le traductor a beau la jouer Pythie, il a le traczir d’une mauvaise traduction. What a pity ! Il redoute qu’on le traite de sale traître et son travail de trouduction.

D’ailleurs on retraduit un texte, mais on ne demande pas à un auteur de réécrire un texte qu’il a déjà publié.

Serait-on plus exigeant avec un traducteur qu’avec un auteur ?

Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *