Par Nicolas Turcev, le 12.03.2019
L’écrivain et militant de la liberté d’expression Moris Farhi est décédé le 5 mars à l’âge de 83 ans. Il laisse derrière lui une œuvre utopiste mais néanmoins critique des travers de l’humanité.Le poète et romancier turc Moris Farhi est mort le 5 mars à Brighton, sa ville de résidence, a l’âge de 83 ans a annoncé son éditeur français Bleu Autour. Ecrivain critique de la barbarie humaine et de l’effondrement moral, il est l’auteur d’un recueil de poème (Cantates des deux continents, Bleu autour, 2013) et de sept romans, dont Les enfants du Romanestan (Bleu autour, 2016), sur la persécution et l’extermination des Roms d’Europe Centrale, et Jeunes Turcs (Buchet Chastel, 2006, traduction de Sylvie Filkenstein), un portrait choral de la Turquie de l’après Seconde Guerre mondiale.
“Les écrits de Moris Farhi, tout en dénonçant les rouages mortifères de l’histoire de l’humanité, tendent essentiellement vers la célébration utopiste, hédoniste, fraternelle de la vie, écrit sa traductrice et amie Ester Heboyan dans son hommage. Son œuvre constitue un pamphlet virulent contre les injustices, cruautés, assassinats et génocides orchestrés par les systèmes despotiques ou les nations xénophobes. Mais elle propose, subrepticement entre les lignes ou bien en excursus lyriques, la quête d’un bonheur jouissif et mystifiant.“
Un écrivain contre les persécutions
Né en 1935 de parents juifs à Ankara, en Turquie, Moris Farhi suit des études en sciences humaines à Istanbul avant de s’envoler pour le Royaume-Uni, où il s’installe. Il tente de poursuivre une carrière d’acteur – il apparait brièvement dans Bons baisers de Russie – mais abandonne rapidement cette voie et se met à écrire. En parallèle de ses romans, il travaille comme scénariste pour la télévision britannique, notamment la BBC. Il rédige plusieurs histoires pour la première version de la série “Doctor Who”, qui ne seront pas adaptées à l’écran.
Elu vice-président de PEN International en 2001, Moris Farhi est également remarqué pour son engagement en faveur des écrivains persécutés ou emprisonnés par des régimes autoritaires. Lui-même n’hésite pas à faire le déplacement en terrain hostile pour plaider la cause des hommes et femmes de lettres. Il a d’ailleurs rendu hommage au journaliste turco-arménien Hrant Dink, assassiné en 2007, dans une courte fiction intitulée Un jour, le monde sera réparé (Bleu autour, 2015, traduction d’Agnès Chevalier).
Le directeur de Bleu Autour, Patrice Rotig, regrette “un homme de bien, doué d’un souffle épique, d’un rare talent de conteur et de poète“. Sa traductrice Ester Heboyan garde elle en mémoire l’image d’un être “d’une grande bienveillance et d’une générosité infaillible, un parfait gentleman anglais doublé d’un homme du monde venu de l’Orient. Que son œuvre demeure son cadeau d’adieu à tous les tyrans et tous les racistes qui ont ‘la mort pour idole‘ et se détournent de ‘la Terre nourricière‘.”